•  EXTRAIT DU DISCOURS PARFAIT  (NH VI, 8)

    Traduit du copte par Jean-Pierre Mahé Bibliothèque copte de Nag Hammadi, sous la direction de Louis Painchaud, Wolf-Peter Funk et Paul-Hubert Poirier, à l’université de Laval, Québec, Canada.

    (Trismégiste dialogue avec Asclépius dans le sanctuaire d’un temple égyptien . Tat et Ammon assistent silencieusement à l’entretien)

    (I. L’HOMME ET LE DIVIN)

    (1° L’homme et le Dieu suprême)

    (Le mystère de fécondité)

    (TRISMÉGISTE) 65 15 (Ascl 21…) Et si tu veux contempler la réalité de 16 ce mystère, regarde 17 l’image merveilleuse 18 de l’union consommée par 19 le mâle et la femelle : une fois 20 arrivée à son terme, la semence 21 jaillit. Alors 22, la femelle reçoit la puissance du mâle 23 et le mâle, de son côté, 24 reçoit pour lui la puissance de la femelle, car 25 tel est bien l’effet de la semence !  26 C’est pourquoi le mystère de 27 l’union est accompli en secret, 28 de crainte que les deux sexes  29 ne semblent indécents à la foule qui 30 ne sait pas (vraiment) à quoi s’en tenir en cette matière.  31 En effet, c’est en particulier que chacun transmet son principe générateur. 32 Car, pour ceux qui ignorent ce qu’est (vraiment) cette oeuvre, 33 si elle se produit en leur présence, <elle devient un objet de> raillerie 34 et d’incrédulité ! Pourtant, tout au contraire, 35 il s’agit de mystères sacrés 36 en paroles et en actes : 37 non seulement on ne saurait les entendre, 38 mais on ne saurait non plus les voir.

    (La science et la gnose, remèdes de l’âme)

    Aussi, 66 1 les gens de cette espèce, (les ignorants), sont des blasphémateurs, 2 des athées et des impies. 3 (Ascl 22) Quant à ceux de l’(autre) sorte, les hommes pieux, ils ne sont pas nombreux,  4 mais bien peu qu’on puisse dénombrer !  5 La raison pour laquelle 6 la malice se rencontre en beaucoup, 7 c’est qu’ils n’ont pas la 8 science des choses qui existent réellement. 9 Car la gnose des choses qui existent réellement 10 est, en vérité,  le remède aux 11 vices de la matière. C’est pourquoi 12 la science est issue de la gnose.  13 Or, quand il y a de 14 l’ignorance et que la science fait défaut 15 à l’âme humaine, 16 les vices y persistent 17 et n’ont point de remède, tandis que 18 la malice les accompagne, à la 19 façon d’une blessure irrémédiable. 20 Cette blessure gangrène 21 l’âme, qui s’empuantit, rongée aux vers 22 par la malice.

    (La création de l’homme)

    23 Toutefois, Dieu est innocent de 24 ces maux, car il a envoyé aux hommes 25 la gnose et la science.

    (ASCLÉPIUS) 26 Ô Trismégiste, est-ce 27 seulement aux hommes 28 qu’il les a envoyées ?

    (TRISMÉGISTE) Oui, ô Asclépius, 29 il ne les a envoyées qu’à eux ! 30 Mais il vaut la peine que nous te 31 disions pourquoi c’est seulement 32 aux hommes, qu’il a accordé en grâce 33 la gnose et la science, 34 comme leur part de sa bonté.  35 Maintenant donc, écoute :  Le Dieu, 36 Père et Seigneur, a 37 créé l’homme après les 38 dieux, et il l’a tiré de 67 1 l’élément matériel. [Comme il a] intro[duit] dans sa fabrication 2 [la m]atiè[r]e en [quantité éga]le 3 à s[on] s  [ouff]le, les v[ice]s 4 y demeurent. De là, 5 ils se répandent sur son 6 corps, car il ne saurait subsister 7 sans user de cette matière 8 comme nourriture, lui qui est un être vivant. Puisqu’il 9 est mortel, il est en outre inévitable 10 que des désirs 11 lui viennent hors de propos et 12 lui fassent du mal. Mais les dieux, qui 13 sont tirés d’une matière 14 pure, n’ont pas besoin de 15 science ni de gnose.  16 Car l’immortalité des dieux 17 est (pour eux) la science et la gnose : 18 puisqu’ils sont tirés d’une 19 matière pure, c’est elle qui leur a tenu 20 lieu de gnose et de 21 science, conformément à la Nécessité.  22 L’homme, au contraire, (Dieu) l’a distingué, il l’a établi 23 dans la science et la 24 gnose. Pour les raisons que nous avons dites 25 avant, il a porté ces (facultés) à leur perfection 26 afin que, grâce à elles, (l’homme) 27 éloignât les vices et les malices 28 d’ici-bas, selon sa (divine) volonté.

    (2° L’homme et les dieux-astres)

    29 La nature mortelle de (l’homme, Dieu) l’a menée vers 30 l’immortalité. (l’homme) est devenu 31 bon et immortel, ainsi que 32 je l’ai dit. (Dieu) lui a créé en effet, deux 33 natures : l’immortelle et 34 la mortelle ; et il est 35 arrivé ainsi selon la volonté 68 1 de [Dieu], que l’homme es[t] 2 supér[ieur]  aux dieux, car 3 [les die]ux, pour leur part, sont (seulement) 4 immortels, mais les hommes, eux,  5 sont immortels et mortels à la fois.  6 C’est pourquoi l’homme est 7 devenu parent des dieux, 8 et ils ont mutuellement connaissance 9 de leurs affaires, avec certitude. Les 10 dieux, de leur côté, connaissent ce qui est aux 11 hommes, et les hommes 12 connaissent ce qui est aux dieux.  13 (Ascl 23) Je ne parle cependant, ô Asclépius, que des hommes 14 qui ont reçu la science 15 et la gnose : 16 quant à ceux qui en sont dépourvus, il vaut mieux 17 que nous n’en disions rien de fâcheux, 18 car, puisque nous sommes consacrés aux dieux il nous 19 sied de tenir des propos 20 épurés.

    (3° L’homme créateur de dieux sur terre)

    Puisque nous en sommes venus 21 à parler de la communion des 22 dieux et des hommes,  apprends, 23, ô Asclépius, ce que l’homme 24 aura de puissance grâce à cela !  De 25 même, en effet, que le Père, Seigneur 26 du Tout, fait des dieux, 27 ainsi l’homme, de son côté 28 – cet être qui vit au ras du sol, 29 ce mortel qui ressemble <également> 30 à Dieu – lui aussi, à son tour, 31 il fait des dieux ! Non seulement 32 <il est fortifié>, mais <il fortifie>, 33 non seulement il est divinisé, mais 34 il fait des dieux ! Admires-tu cela, 35 ô Asclépius, ou es-tu, toi 36 aussi, incrédule comme la foule ?

    (ASCLÉPIUS) 69 1 Ô Trism[égiste, je ne trou]ve [pas] de 2 paroles à répondre ; je te cro[is bi]en 3 quand tu [parl]es, mais je suis [stu]péfait 4 de [ce] que tu dis là, et je 5 compte l’homme pour bienheureux 6 d’avoir reçu cette grande puissance !

    (TRISMÉGISTE) 7 De fait, lui qui est plus grand que tous ces êtres, 8 ô Asclépius, il est digne 9 d’admiration ! Ce qui nous apparaît 10 pour l’engeance des dieux 11 – et nous en tombons d’accord, 12 ainsi que tout un chacun – c’est qu’elle est tirée 13 d’une matière pure. 14 Leurs corps sont donc uniquement des têtes. 15 Mais ce que les hommes façonnent, 16 c’est la ressemblance des dieux. (Puisque) les  (hommes) sont tirés 17 du dernier élément de la matière, 18 et que ce (qui est façonné) est issu de l’essence inférieure 19 des hommes, non seulement 20 ces (dieux) ont des têtes, mais aussi toutes les autres parties 21 du corps, à 22 la ressemblance de leurs (auteurs).  De même que 23 Dieu a voulu que l’homme 24 intérieur fût fait 25 à son image, de même, pour sa part, 26 l’homme fait des dieux 27 sur terre, à sa ressemblance.

    (ASCLÉPIUS) (Ascl 24) Ô Trismégiste, 28 n’est-ce pas des statues que tu parles ?

    (TRISMÉGISTE) 29 Ô Asclépius, c’est toi qui parles 30 de « statues » !  Tu vois comme, toi 31 aussi, ô Asclépius, tu es 32 incrédule à l’égard de la parole quand tu dis, 33 à propos d’êtres qui ont en eux âme et 34 souffle : « les statues » ! Elles qui 35 accomplissent de si grands miracles ! 36 Tu dis, à propos d’êtres qui délivrent 37 des prédictions : « les statues » !  Elles qui causent 70 1 d[es maladies et] qui les guérissent, 2 qui [envoient] aussi les épidémies !

    -

    (II. PRÉDICTION SUR L’ÉGYPTE ET SES DIEUX)

    (1° Annonce d’une catastrophe)

    (DÉPART DES DIEUX)

    3 Ne sais-tu pas, ô Asclépius, 4 que l’Égypte est une 5 image du ciel, bien plutôt 6 la demeure du ciel et de toutes les puissances 7 qui sont dans le ciel ? S’il 8 nous convient de dire la vérité, notre 9 pays est le temple du 10 monde !  Il ne faut pas non plus que tu 11 ignores qu’un temps 12 viendra où les 13 Égyptiens sembleront 14 avoir déployé en vain leur zèle envers 15 la divinité, et leur application 16 toute entière au culte divin sera 17 méprisé. En effet, 18 la divinité toute entière quittera l’Égypte et 19 remontera au ciel, et l’Égypte 20 sera veuve, elle sera désertée 21 des dieux.

    (Invasion étrangère)

    Car les étrangers 22 entreront en Égypte et ils domineront 23 sur elle. L’Égypte, et, avant tout, les 24 Égyptiens, seront empêchés 25 de rendre un culte à 26 Dieu. Bien plus, ils encourront 27 le suprême châtiment, 28 comme quiconque, parmi eux, sera pris à honorer 29 Dieu pieusement.  30 Et en ce jour-là ce pays, 31 qui est pieux au-dessus de tous les 32 pays, se verra devenir 33 impie. Il ne sera plus rempli 34 de temples, mais rempli de tombeaux 35 et il ne sera plus rempli de dieux,  36 mais de cadavres.  O Égypte, 37 Égypte !  Mais <tes dévotions> passeront pour des 38 fables, et tes cultes divins, 71 1 nul n’y croira plus, [bien qu’il s’agisse] d’oe[u]vres 2 prodigieuses et d[e pa]roles 3 sai[nt]es.  Or, s[i] tes mots 4 qu[i] font merveille ne sont plus que des pierres (gravées), 5 alors le barbare l’emportera 6 contre toi, ô Égyptien, 7 par sa piété : qu’il soit 8 Scythe ou Indien, ou tout autre 9 du même genre !  Mais pourquoi même parler 10 de l’Égyptien ? Car ceux-ci 11 quitteront eux aussi l’Égypte. Une fois,  en effet, 12 que les dieux auront abandonné 13 l’Égypte et seront remontés au 14 ciel, alors, tous les Égyptiens 15 périront et l’Égypte sera 16 vidée des dieux et des 17 Égyptiens.  Et toi, ô fleuve !  18 Un jour viendra où tu couleras 19 de sang, plutôt que d’eau ; quant 20 aux cadavres, ils iront 21 jusqu’à s’entasser au-dessus des digues !  22 Pourtant, on ne pleurera pas 23 le mort autant que le vivant : pour celui-ci, 24 on ne le reconnaîtra comme 25 Égyptien qu’à sa langue et 26 en s’y prenant à deux fois – (Ascl 25) à quoi bon pleurer, 27 ô Asclépius – car il aura tout l’air 28 d’un étranger, d’après 29 son comportement !

    (Inversion des valeurs)

    Mais la divine Égypte 30 endurera des maux encore plus grands 31 que ceux-là : L’Égypte, l’amante des dieux, 32 la demeure des dieux, 33 l’école de la piété, 34 deviendra l’image 35 de l’impiété !  Alors, en ce jour-là, 36 l’univers ne sera plus admiré. 72 1 [ ] et l’i[mp]iét[é]. 2 [O]n n[e] l’adorera plus [ ] 3 quand nous disons : « il est 4 aussi [b]eau que bon, et il 5 n’y en a jamais e[u] un semblable 6 ni (pareil) spectacle ! »  Au contraire, le voilà qui risque 7 de devenir un fardeau 8 pour tous les hommes.  C’est pourquoi, 9 on le méprisera, ce 10 monde magnifique (créé) par Dieu, 11 oeuvre qui n’a pas sa pareille, 12 réalisation pleine de 13 vertu, spectacle 14 multiforme, chorégie 15 exercée sans envie,  remplie 16 de tout objet de contemplation ! On préférera 17 les ténèbres à la lumière 18 et l’on préférera la mort à 19 la vie. Personne n’élèvera plus 20 son regard vers le ciel ; mais l’homme pieux 21 sera compté pour fou, l’homme 22 impie sera 23 honoré comme un sage, le couard 24 sera compté pour vaillant et 25 l’on châtiera l’homme de 26 bien comme un malfaiteur.  27 Quant à l’âme et aux choses de 28 l’âme, ainsi qu’à celles de l’immortalité 29 et au reste de ce que je vous ai 30 dit, ô Tat, Asclépius 31 et Ammon, non seulement on 32 pensera qu’il s’agit là de 33 choses ridicules, mais encore, on les 34 bafouera. Bien plus, croyez-moi 35 sur ce point, les  (spirituels) de cette sorte 36 encourront, 37 pour leur vie, le suprême péril.  38 Une loi nouvelle sera établie : 73 1 (rien de saint, rien de pieux, 2 rien de digne du ciel ni des dieux célestes 3 ne s’entendra ni ne se croira plus).

     

    (CATASTROPHE COSMIQUE)

    Ils s’en 4 iront alors, les génies 5 bienfaisants, et les mauvais 6 anges resteront 7 avec les hommes, se joignant à eux 8 pour les entraîner au 9 mal en toute impudence, 10 à l’impiété, aux guerres, 11 aux brigandages, leur enseignant 12 ce qui est contre nature.  En ces jours-là, 13 la terre n’aura plus d’assise 14 et l’on ne naviguera plus sur la mer, 15 on ne connaîtra plus les étoiles 16 au ciel.  Toute voix sainte 17 ou parole de Dieu, on sera 18 forcé de s’en taire, et l’air sera 19 malade.  (Ascl 26) Telle est la vieillesse 20 du monde : athéisme et 21 déshonneur, dédain 22 de toute parole de bien !

    (2° Rétablissement de l’ordre)

    (Renaissance du monde)

    23 (gr 1) Quand cela se produit, ô Asclépius, 24 alors le Seigneur, Père et 25 Dieu, Démiurge du Premier Dieu unique, 26 commence par observer 27 ce qui est arrivé.  Puis, 28 dressant contre les désordre, 29 son conseil qui est le bien, il 30 extirpe l’erreur et retranche 31 la malice : tantôt il la consume dans un 34 feu violent, et tantôt, 35 il l’écrase sous les guerres et les pestilences, jusqu’à ramener 74 1 [et rétablir son univers 2 à l’état ancien], (fin gr) 3-4 (de sorte qu’il paraisse à nouveau digne d’adoration et d’émerveillement et que Dieu lui-même soit glorifié 5 comme Créateur) de cette oeuvre.  6 Telle est d[onc] la naissance du 7 mond[e] : [le] rétablissement de 8 la nature des choses saintes et 9 bonnes, qui se produira par l’effet 10 du mouvement circulaire du temps qui n’a 11 jamais eu de commencement.

    (La volonté divine)

    Car 12 la volonté de Dieu n’a pas 13 de commencement, non plus que sa 14 nature, qui est sa volonté. 15 En effet, la nature de Dieu, c’est 16 la volonté, et sa volonté, c’est le 17 bien.

    (ASCLÉPIUS) Ô Trismégiste, 18 son conseil, est-ce sa volonté ?

    (TRISMÉGISTE) 19 Oui, ô Asclépius, puisque sa volonté 20 est dans son conseil. 21 En effet, ce qu’il a, ce n’est pas dans la déficience 22 qu’il le veut : étant 23 de partout Plénitude, il veut 24 ce qu’il possède en plénitude 25 et c’est tous les biens qu’il possède. 26 Or, l’objet de sa volonté, il le veut,  27 et il a le bien qu’il 28 veut ; donc il a 29 le Tout. Ainsi, Dieu 30 conçoit sa volonté 31 et le monde, qui est bon, 32 est l’image d’un (Dieu) bon.

    (Hiérarchie des dieux)

    (ASCLÉPIUS) 33 (Ascl 27) Ô Trismégiste, est-ce que 34 le monde est bon ?

    (TRISMÉGISTE) Ô Asclépius, 35 il est bon, comme 36 je vais te l’enseigner. De même, en effet, 75 1-2  (que pour tous les genres et individus qui sont au monde, tous ces bienfaits), 3 [l’intellect, l’âme et la vi]e 4 pr[oviennent d]e Dieu, [de même] le Soleil 5 di[spens]e les bi[en]s [da]ns la matière : 6 les changements de l’atmosphère, e[t la] beauté 7 de la maturation des fruits et 8 tout ce qu’il y a de semblable. C’est pourquoi 9 Dieu règne au-dessus de la cime 10 du ciel : il est partout et regarde 11 partout.  Mais, au lieu qui est sien, il n’y a 12 ni ciel ni étoiles ; 13 il est bien éloigné des corps !  Quant au Démiurge, 14 il domine le lieu qui 15 est entre la terre et le ciel. C’est lui qu’on 16 appelle Zeus, c’est-à-dire 17 la Vie.  Et Zeus-Ploutonios, 18 c’est lui qui est Seigneur sur la terre 19 et la mer. Mais il ne détient pas la 20 nourriture de tous les vivants 21 mortels, car c’est Korè qui porte 22 les moissons. Ces puissances, 23 en tout temps, exercent leur pouvoir tout autour 24 de la terre ; celles des autres  (dieux), en 25 <tout> temps, <sur> tout ce qui existe.

    (Retour des dieux tutélaires)

    26 Mais ils se retireront de là-bas, les 27 Seigneurs de la terre, et ils 28 s’établiront dans une ville située à 29 l’extrémité de l’Égypte, que l’on 30 construira du côté du soleil couchant : 31 tous les hommes y entreront 32 soit ceux qui arriveront par mer, 33 soit ceux qui arriveront par la terre ferme !

    (ASCLÉPIUS) 34 Ô Trismégiste, pour l’instant, ces (dieux-là), 35 où seront-ils établis ?

    (TRISMÉGISTE) Ô Asclépius, 36 dans la grande ville qui est sur la montagne 76 1 [de Libye] . (Mais en voilà assez sur cette question).

     

    (III. L’AU-DELÀ ET LE JUGEMENT DES ÂMES)

    (Ne pas craindre la mort)

    2 (gr 2) [Il nous faut maintenant parler de la mort, 3 car la mort effraie la foule] 4 [comme le] plus gra[nd m]a[l, par] 5 ignoranc[e] de la réali[té].  6 En fait, la mort survient com[me] 7 le détachement des souffrances du 8 corps, et une fois accompli le nombre 9 (d’années imparti) <aux jointures> du corps. 10 Le nombre est en effet la jointure 11 du corps, et le corps meurt 12 quand il ne pe[u]t plus soutenir 13 l’être humain.  Voici donc ce qu’est la mort : 14 dissolution du corps et suppression 15 de la sensibilité corporelle.  (fin gr) 16 Il ne faut craindre 17 ni l’une ni l’autre, mais bien plutôt 18 ceci, que l’on ignore 19 par incrédulité.

    (Le jugement)

    (ASCLÉPIUS) Qu’est-ce 20 donc, <ô Trismégiste>, que l’on ignore 21 et qui laisse incrédule ?

    (TRISMÉGISTE) 22 (Ascl 28) Écoute, ô Asclépius !  Il y a un Grand Démon 23 que le Grand Dieu 24 a préposé comme inspecteur 25 ou juge des âmes 26 humaines. Or, Dieu l’a installé 27 au milieu de l’air, entre la terre 28 et le ciel. Quand donc 29 l’âme sortira du corps, 30 inéluctablement, elle rencontrera ce 31 Démon. Alors, il fera rebrousser chemin 32 à cet (homme), l’examinant sur la façon dont 33 il aura agi durant sa vie : et, s’il 34 trouve qu’il a accompli 35 avec piété toutes 36 les oeuvres en vue desquelles il est venu 37 au monde, cet (homme)-là, il le placera 77 1 (dans la région qui lui sied) 2 [ ] le fait retourner [ ] 3 [ ] Mais s’[il voit], 4 [ ] qu’un tel (homme) a passé 5 sa vie dans les oeuvres [mauvai]ses, 6 il l’attrape au moment où il prend son essor 7 ve[rs] les hauteurs, et il le précipite vers le bas, 8 en sorte que le voilà suspendu dans le ciel inférieur, 9 où on lui inflige un grand 10 châtiment ;

    (L’enfer aérien)

    Or, cet (homme)-là sera 11 privé de son espérance, 12 demeurant en grande affliction : et cette 13 âme-là n’a pu trouver assiette ni 14 sur terre, ni dans le ciel, 15 mais elle a abouti dans la mer 16 aérienne, là où il y a 17 un grand feu, avec de l’eau 18 glacée, ainsi que des traînées de flammes 19 et un grand tourment, où les corps 20 se voient supplicier, jamais semblablement entre eux : 21 tantôt ils sont précipités 22 dans des eaux courantes, tantôt 23 ils sont jetés au fond du feu, 24 qui doit les anéantir. Toutefois, je ne dirai 25 pas que c’est là la mort de l’âme 26 – car voilà qu’elle serait délivrée du mal– 27 mais c’est là une sentence de mort. 28 Ô Asclépius, il faut croire 29 à ces (peines), et tu dois bien les redouter, 30 de crainte que nous n’y tombions. Car, pour les 31 incrédules, ils sont impies et ils 32 pèchent. Mais après, ils seront contraints 33 d’y croire. 34 En effet, il n’y aura plus seulement des discours à entendre, 35 mais ils subiront la réalité 36 même : aussi bien, ils ne croyaient pas <qu>‘ils 37 endureraient cela !

    (Équité des sentences)

    (ASCLÉPIUS) N’est-ce pas seulement 78 1 (la loi humaine qui punit les péchés des hommes, ô Trismégiste) ?

    2 (TRISMÉGISTE) Tout d’abord, [ô Asclépius], 3 tou[t] ce q[ui est ter]restre est [mortel ] 4 e[t ] corps

    [ ] 5 [ q]ui sont mauvais. Toute forme [qui ], 6 est bo[n]ne auprès des gens de cette sorte. Car les choses de ces lieux-ci, 7 ne ressemblent pas à celles de là-bas. 8 Comme les génies [ ] 9 les hommes, méprisent [ ] 10 de là-bas n’est pas de même espèce. 11 Mais, en réalité, les dieux de ce lieu-(là) 12 puniront spécialement le (coupable) qui est resté caché ici-bas, 13 lui infligeant chaque jour un rude châtiment.

    (ASCLÉPIUS) 14 (Ascl 29) O Trismégiste, de quelle nature est 15 l’impiété la plus gr<ande> ?

    (TRISMÉGISTE) Ne penses-tu donc 16 pas, ô Asclépius, que si quelqu’un vole 17 un objet dans un temple, il se comporte en impie, 18 – car c’est un brigand que l’(homme) de cette espèce, et 19 un voleur – et de cette affaire-là, 20 dieux et hommes en sont affligés ? 21 Mais les choses d’ici-bas et celles de l’autre lieu, ne les compare pas 22 entre elles !

    (Supplice des âmes perverses)

    Or, je veux te tenir 23 ce propos comme un mystère, car 24 il ne recevra absolument aucun crédit : les âmes 25 qui sont entièrement remplies de méchanceté ne seront 26 pas admises à circuler dans l’air, mais seront 27 établies dans les lieux relevant des démons qui ont 28 abondance de supplices. En tout temps 29 ils sont pleins de sang et de meurtre et leur 30 nourriture, c’est les larmes, le deuil 31 et le sanglot !

    (ASCLÉPIUS) Ô Trismégiste, 32 qui sont-ils ?

    (TRISMÉGISTE) Ô Asclépius, ceux 33 qu’on appelle les « Étrangleurs » et 34 ceux qui roulent les âmes du 35 haut des collines vers le bas, et ceux qui 36 leur donnent le fouet, qui les jettent 37 à l’eau, qui les jettent au feu, 38 et qui travaillent aux tourments des 39 hommes et à leur malheur ! Car 40 ces (maux)-là ne sont pas conçus d’une âme 41 divine, ni d’une âme 42 raisonnable et humaine, mais 43 ils sortent du plus mauvais de la malice.

    (La piété, unique sauvegarde)

    (gr 3) [Or, il n’y a qu’une seule sauvegarde, et qui est de soi nécessaire, c’est la piété ; car sur l’homme pieux, saint et vénérable, ni mauvais génie, ni Fatalité ne sauraient jamais dominer ou avoir prise ! Dieu, en effet, protège de tout mal l’homme qui est ainsi véritablement pieux. Le seul et unique bien parmi les hommes, c’est la piété].


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